ARAGON - PREVERT : LE HOULME

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publie 26 février 2006

La mare au diable (George SAND)

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George SAND

Marie et Germain se promènent ensemble dans la campagne. Ils sont pris par l’orage, se réfugient sous de vieux chênes et font un feu.
  • J’ai assez chaud, dit Marie ; et si vous voulez vous asseoir, prenez un coin du manteau, moi je suis très bien.
  • Le fait est qu’on n’est pas mal ici, dit Germain en s’asseyant tout auprès d’elle. Il n’y a que la faim qui me tourmente un peu. Il est bien neuf heures du soir, et j’ai eu tant de peine à marcher dans ces mauvais chemins, que je me sens tout affaibli. Est-ce que tu n’as pas faim, aussi, toi, Marie ?
  • Moi ? pas du tout. Je ne suis pas habituée, comme vous, à faire quatre repas, et j’ai été tant de fois me coucher sans souper, qu’une fois de plus ne m’étonne guère.
  • Eh bien, c’est commode une femme comme toi ; ça ne fait pas de dépense, dit Germain en souriant.
  • Je ne suis pas une femme, dit naïvement Marie, sans s’apercevoir de la tournure que prenait les idées du laboureur. Est-ce que vous rêvez ?
  • Oui, je crois que je rêve, répondit Germain ; c’est la faim qui me fait divaguer peut-être !
  • Que vous êtes donc gourmand ! reprit-elle en s’égayant un peu à son tour ; eh bien ! si vous ne pouvez pas vivre cinq ou six heures sans manger, est-ce que vous n’avez pas là du gibier dans votre sac et du feu pour le faire cuire ?
  • Diantre ! c’est une bonne idée ! mais le présent à mon futur beau-père ?
  • Vous avez six perdrix et un lièvre ! Je pense qu’il ne vous faut pas tout cela pour vous rassasier ?
  • Mais faire cuire cela ici, sans broche et sans landiers, ça deviendra du charbon !
  • Non pas, dit la petite Marie ; je me charge de vous le faire cuire sous la cendre sans goût de fumée. Est-ce que vous n’avez jamais attrapé d’alouette, dans les champs, et que vous ne les avez pas fait cuire entre deux pierres ? Ah ! c’est vrai ! j’oublie que vous n’avez pas été pastour ! Voyons, plumez cette perdrix ! Pas si fort ! vous lui arrachez la peau.
  • Tu pourrais bien plumer l’autre pour me montrer !
  • Vous voulez donc en manger deux ? Quel ogre ! Allons, les voilà plumées, je vais les cuire.
  • Tu ferais une parfaite cantinière, petite Marie ; mais, par malheur, tu n’as pas de cantine, et je serai réduit à boire l’eau de cette mare.
  • Vous voudriez du vin, pas vrai ? Il vous faudrait peut-être du café ? Vous vous croyez à la foire sous la ramée ! Appelez l’aubergiste : de la liqueur au fin laboureur de Belair !

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