ARAGON - PREVERT : LE HOULME

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ARAGON - PREVERT : LE HOULME

49 302 | Loïk est condamné au "trou"

Après avoir essayé de s’évader, Loïk est rattrapé et doit passer un an au ’trou’.


Sur un signe du gouverneur, les quatre gardes, un pour chacun de mes membres, me saisirent comme un vulgaire pantin et m’emmenèrent. Offert au regard de tous, mon corps nu, me mettait terriblement mal à l’aise.

Un bourdonnement de voix s’éleva sur notre passage. Je captais de temps en temps des regards compatissants, des petits signes encourageants. Les coursives défilèrent, puis on s’arrêta soudain et je fus brutalement lâché sur le sol. La morsure du métal m’arracha un hurlement de douleur, ce qui me valut un coup de botte dans les reins. Je mordis l’intérieur de mes joues pour ne pas crier de nouveau.

En tournant légèrement la tête sur le côté, je distinguai d’immenses vantaux. L’un deux coulissa vers le haut, dégageant une cabine minuscule dans laquelle un garde, après m’avoir libéré de mes entraves, me traîna par le pied. L’endroit était si petit que je n’y tenais pas allongé. Il m’abandonna là, sortit en refermant la porte. Une petite trappe s’ouvrit soudain et la tête du gouverneur y passa.

  • Voici ta nouvelle demeure pour un an. Elle va être projetée dans l’espace. Un câble la relie à la station, ce qui nous permet de te ramener n’importe quand. Pour le moment, ce sera une fois par jour, juste le temps de te donner tes rations, diminuées cela va de soi, et ton bac à déjections. Une fois par mois, tes cheveux seront tondus. Tu ne dois jamais adresser la parole au garde. Si tu le fais, tu écopes d’un mois de plus par mot prononcé. Quand tu quitteras cette endroit, tu ne seras plus que l’ombre de toi même... si tu te rappelles encore qui tu es ! Une dernière chose : tout comme la station, la cabine possède son propre champ de gravité artificielle. Je ne suis pas cruel au point de te laisser en apesanteur tout le temps. […]
  • Dans deux minutes, la cabine va être propulsée dehors. Amuse-toi bien !

Le noir revint. Je tentai de m’asseoir. Péniblement, je déplaçai mon corps pour m’adosser contre la paroi froide et inconfortable de la cellule. Mes fesses meurtries supportait difficilement le contact glacé du sol. Subitement, ce dernier se mit à tanguer. Non, c’était la cellule entière qui se déplaçait en me donnant l’horrible impression d’être dans un conteneur qu’une grue transbahutait dans les airs. Bringuebalé de tous côtés, je perdis toute notion d’espace. Alors que la cabine se stabilisait un peu, je tentai de me repositionner normalement, mais je compris vite que les mouvements brusques accentuaient l’oscillation de ma geôle.

Je m’assis avec douceur sur le sol, et constatai qu’il était transparent, ce qui devait être atroce pour ceux qui étaient atteints de la peur du vide. Heureusement, ce n’était pas mon cas, et je n’avais pas non plus le mal de mer ! Je contemplai avec fascination la vue qui s’offrait à moi : au bout de la station-bagne, ressemblant au ventre gonflé d’une monstrueuse matrice, d’où jaillissaient dix cordons ombilicaux au bout desquels étaient accrochés les autres cellules, le tout flottant parmi les myriades d’étoiles fixées sur une toile sombre. Mais je déchantais rapidement : le froid s’installait à mes côtés.