Le docteur Samuel Ferguson 

Scientifique aventurier, aérostatier.

Le père du jeune Fergusson, un brave capitaine de la marine anglaise, avait associé son fils, dès son plus jeune âge, aux dangers et aux aventures de sa profession. Ce digne enfant, qui paraît n'avoir jamais connu la crainte, annonça promptement un esprit vif, une intelligence de chercheur, une propension remarquable vers les travaux scientifiques ; il montrait, en outre, une adresse peu commune à se tirer d'affaire ; il ne fut jamais embarrassé de rien, pas même de se servir de sa première fourchette, à quoi les enfants réussissent si peu en général.
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Je vous laisse à penser si ces tendances se développèrent pendant sa jeunesse aventureuse jetée aux quatre coins du monde. Son père, en homme instruit, ne manquait pas d'ailleurs de consolider cette vive intelligence par des études sérieuses en hydrographie, en physique et en mécanique, avec une légère teinture de botanique, de médecine et d'astronomie.

A la mort du digne capitaine, Samuel Fergusson, âgé de vingt-deux ans, avait déjà fait son tour du monde ; il s'enrôla dans le corps des ingénieurs bengalais, et se distingua en plusieurs affaires ; mais cette existence de soldat ne lui convenait pas ; se souciant peu de commander, il n'aimait pas à obéir. Il donna sa démission, et, moitié chassant, moitié herborisant, il remonta vers le nord de la péninsule indienne et la traversa de Calcutta à Surate. Une simple promenade d'amateur.
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Rien de moins étonnant, dès lors, que de retrouver notre infatigable voyageur visitant de 1855 à 1857 tout l'ouest du Tibet en compagnie des frères Schlagintweit, et rapportant de cette exploration de curieuses observations d'ethnographie.

Pendant ces divers voyages, Samuel Fergusson fut le correspondant le plus actif et le plus intéressant du Daily Telegraph, ce journal à un penny, dont le tirage monte jusqu'à cent quarante mille exemplaires par jour, et suffit à peine à plusieurs millions de lecteurs. Aussi le connaissait-on bien, ce docteur, quoiqu'il ne fût membre d'aucune institution savante, ni des Sociétés royales géographiques de Londres, de Paris, de Berlin, de Vienne ou de Saint-Pétersbourg, ni du Club des Voyageurs, ni même de Royal Polytechnic Institution, où trônait son ami le statisticien Kokburn.

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« Je ne poursuis pas mon chemin, disait-il souvent, c'est mon chemin qui me poursuit. »

On ne s'étonnera donc pas du sang-froid avec lequel il accueillit les applaudissements de la Société Royale ; il était au-dessus de ces misères, n'ayant pas d'orgueil et encore moins de vanité ; il trouvait toute simple la proposition qu'il avait adressée au président sir Francis M ... et ne s'aperçut même pas de l'effet immense qu'elle produisit.