Le Siffleur (partie 1)
Né sur les bords d'un grand fleuve, un homme à qui les sorciers avaient appris le pouvoir des charmes savait si bien siffler dans son sifflet magique que lorsque les vaches l'entendaient elles couraient toutes derrière lui. Pas une ne résistait.
Quand il les avait attirés assez loin du troupeau, l'homme les conduisait jusqu'au bord du fleuve. Les gens du pays se lançaient aussitôt à sa poursuite, mais ils arrivaient toujours trop tard.
C'est qu'en effet cet homme avait trois sœurs dont l'une, l'aînée, connaissait le moyen de faire s'écarter le fleuve pour laisser le passage à son frère et aux bêtes qu'il ramenait. Elle disait au fleuve des paroles magiques et le frappait trois fois de son pagne, et aussitôt le fleuve s'écartait. Ensuite, il se refermait. Et les poursuivants ne pouvaient rejoindre le voleur. L'homme aurait dû être reconnaissant. Bien au contraire, il faisait cuire les bons morceaux par ses deux plus jeunes sœurs et les mangeaient avec elle. L'aînée n'avait que les pattes.
- « Comment mon frère peut-il agir ainsi ?, se dit le sœur aînée. Mes deux jeunes sœurs vivent tranquillement à la maison. Elles passent leur temps à se coiffer et à s'habiller, pendant que moi je travaille et lorsque notre frère partage la viande, ce sont elles qui ont les morceaux gras, tandis qu'à moi on ne donne que les pattes. »
Pourtant elle n'était pas tout à fait convaincue d'avoir raison et elle se disait que la prochaine fois, ce serait à elle que son frère donnerait la graisse.
Un jour, il lui dit :
- « Lève-toi, viens avec moi. Nous n'avons plus rien à manger. Il faut que j'aille siffler dans mon sifflet sur l'autre rive. »
Ils partirent donc, traversèrent le fleuve et la sœur s'assit et attendit le retour de son frère.
Il rassembla les troupeaux de vaches; les gens du pays se mirent à la poursuite du ravisseur, mais quand il arriva au bord du fleuve, sa sœur prononça les paroles magiques et frappa trois fois le fleuve de son pagne, et celui-ci s'ouvrit aussitôt pour leur livrer passage.
