Histoires de mer
CoursOutils transverses

Au temps des cap-horniers

ComplémentContexte historique
Portrait de Yann
Portrait de Yann[Zoom...]

A la fin du XIXe siècle, Yann, âgé de dix ans, s'embarque comme mousse à bord de la Cécilia, un grand voilier de Nantes qui navigue vers le Chili. Entre Atlantique et Pacifique, le jeune garçon double le terrible cap Horn et apprend peu à peu son métier de marin.

ComplémentLes derniers grands voiliers

A la fin du XIXe siècle apparaissent sur les mers les plus grands voiliers jamais construits par l'homme. Beaucoup dépassent cent mètres de long. Ils ont quatre ou cinq mâts (et même sept pour l'un d'entre eux : Le Thomas Lawson)... Du haut de cette mâture, on domine la mer de soixante mètres !

Pour construire ces géants, on utilise l'acier. Mâts et gréements pèsent ensemble plus de soixante tonnes et les filins, mis bout à bout, s'étendent sur quinze kilomètres.

Pourtant, ces grands navires qui peuvent embarquer jusqu'à 8 000 tonnes de cargaison, prennent la mer avec un équipage réduit : la manœuvre de l'immense voilure est facilitée par l'utilisation de treuils électriques.

Quatre_mats_barque
Quatre_mats_barque[Zoom...]
Debout, moussaillon !
Yann_reveil
Yann_reveil[Zoom...]

Ce matin-là, à bord du quatre-mâts barque la Cécilia, grand voilier de Nantes, des cris furieux retentissent.

- Ah çà  ! Tu ne te réveilleras donc point, fainéant ! Allons, debout ! Au travail !

Dans le grand rouf qui, à l'avant du navire abrite les locaux de l'équipage, un vieux marin est penché sur une couchette. Il secoue vigoureusement une sorte de tas de chiffons. Le visage ahuri d'un garçon d'une dizaine d'années en émerge soudain. Sa tignasse rousse, ébouriffée, n'a plus connu le peigne depuis bien longtemps. Yann, le mousse, contemple le poste d'équipage comme s'il ne l'avait jamais vu.

Il promène un regard vague, encore ensommeillé, sur ce décor pourtant familier : la table vissée au plancher, les couchettes superposées, fixées aux parois du rouf, les coffres, qui servent à ranger les vêtements et font office de bancs.

- Vas-tu attendre que tous les tribordais soient couchés pour te décider à venir ? gronde Le vieux Joseph. Tu n'as pas entendu la cloche ?

Non, Yann n'a pas entendu les huit coups qui annoncent la fin de chaque quart. Pas plus d'ailleurs que le remue-ménage fait par les hommes de la bordée de bâbord montant remplacer leurs camarades. Un bateau comme la Cécilia ne navigue pas tout seul; Jour et nuit des marins veillent. l'équipage est divisé en deux équipes que l'on nomme bordées, car chacune occupe pour dormir les couchettes d'un des bords du navire. À gauche, les bâbordais, commandés par le second; à droite, les tribordais, sous les ordres du maître d'équipage. Toutes les quatre heures, ils se relaient sur le pont.

Il faut toujours qu'une bordée complète soit disponible. Une dizaine d'hommes et le chef de quart, ce n'est pas de trop. Si la manœuvre est difficile, tout le monde s'y met. Adieu le repos ! Le mousse ne prend pas de quart, mais il doit être là quand on a besoin de lui... c'est-à-dire souvent.

Yann a conservé, pour dormir, sa chemise et son pantalon de grosse toile qu'il rajuste vivement. Pas de toilette: on ne se lave qu'une fois par semaine pour économiser l'eau douce. Le garçon passe sa main aux doigts écartés dans sa chevelure rebelle et se coiffe du bonnet de laine bleue qu'il ne quitte Jamais. Sa mère le lui a tricoté et offert avant son départ.

Comme Nantes lui semble loin ! Tant de choses sont arrivées dans sa vie depuis ce terrible Jour où le bateau de son père n'est pas revenu de la pêche.

- Le voilà qui rêve maintenant ! Tu exagères ! Un vrai marin ne dort que d'un œil et pense d'abord à son navire !

Yann_nettoyage_bateau
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yann_dans_les_voiles
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Quand Yann était monté à bord, le maître d'équipage l'avait averti :

- Nous ne partons pas pour un voyage de tout repos. Nous emportons du charbon anglais au Chili, de l'autre côté de la Terre. Pour y parvenir, nous affronterons tous les climats possibles, du nord au sud, et surtout, il faudra doubler le cap Horn. Les anciens l'appellent le Vieux Cap Dur. Crois-moi, c'est un surnom mérité.

Depuis le départ, le mousse avait pensé à ces paroles et tenté de questionner ses compagnons. Mais, chaque fois, il s'était fait rabrouer. "Apprends plutôt à distinguer le hunier du petit foc !", ou bien : "Ne parle pas du cap  ! C'est tenter le sort !", ou encore : "Pense à ton baptême !" Cette dernière phrase, étrange, avait intrigué le gamin. Il ne l'avait comprise qu'au passage de l'équateur, en voyant ses camarades déguisés de manières fantasque ; celui-ci en Neptune, celui-là en gendarme, cet autre en déesse de la mer, et quelle déesse ! moustachue à faire peur ! Barbouillé de goudron, jeté tête la première dans un tonneau d'eau de mer, le mousse dûment "baptisé", avait juré de faire subir le même traitement à tous ceux qui, comme lui franchiraient l'équateur, la "Ligne" comme on dit pour la première fois...

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